La place des femmes dans le tennis ? Vaste question souvent au cœur des préoccupations. Du côté des spécialistes tennis, c'est également un sujet d'importance, ces Dames étant malheureusement sous-représentées dans la profession.
Rencontre avec Florence Kanar, responsable du magasin Univers du Tennis à La Garde, près de Toulon.
→ On a tendance à dire que le milieu du tennis reste un milieu d'hommes. C'est vrai ou la situation tend à s'équilibrer ?
Non, ça ne s'équilibre pas du tout. Le tennis masculin compte beaucoup plus de pratiquants et on le ressent fortement dans les tournois. Non seulement il y a très peu de femmes, mais il y en a même de moins en moins. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a plus de joueuses, loin de là et heureusement. Mais, en compétition, on doit bien reconnaître que les tableaux féminins sont désertés.
→ Pourquoi ?
Si on avait la réponse… Cela fait des années qu'on constate cette baisse. Les profs ont l'impression que le tennis a perdu beaucoup d'attrait aux yeux des plus petites, par rapport à d'autres périodes. Quant à celles qui s'accrochent, arrivées à un certain niveau, elles semblent en avoir plus facilement ras-le-bol que les garçons. Résultat, plein de filles arrêtent à 15 ans avec un bon niveau…
Évidemment, je témoigne avant tout de ce que j'observe dans ma région et j'espère que d'autres s'en tirent mieux !
« Le tennis semble avoir perdu beaucoup d'attrait aux yeux des filles »
→ Être spécialiste tennis quand on est une femme, c'est compliqué, à l'heure actuelle, ou pas plus que ça ?
Non, ce n'est pas compliqué et je suis très à l'aise dans ce que je fais, notamment avec mes clients réguliers. Cela dit, il y a quand même un machisme latent ici ou là. Je n'aborde pas forcément des aspects trop techniques avec mes clients, mais, lorsque cela arrive, certains me font bien sentir que je suis une femme. Jusqu'à remettre mes compétences en question… Généralement, je réussis facilement à les coincer (rires) ! Je connais mon métier, quand même…
→ Le fait d'être une femme, cela vous apporte quelque chose de plus ou de différent dans la façon de pratiquer votre métier ?
Certains diront que les femmes ont un œil un peu plus concerné lorsqu'il s'agit de conseiller du textile, mais c'est assez cliché. Beaucoup d'hommes en sont évidemment capables. Pour le reste, il n'y a pas de grandes différences. J'ai la chance de connaître tous les produits, j'apporte mes conseils, ce que j'apprends des commerciaux, ma compétence technique…
« Certains clients me font bien sentir que je suis une femme… »
→ Les gammes exclusivement féminines dans le matériel de tennis n'existent pas depuis si longtemps que ça… C'est important qu'un matériel aussi technique qu'une raquette, par exemple, soit pleinement adapté aux caractéristiques féminines ?
Ça dépend… Sur ce sujet, il y a une grande différence entre les compétitrices et les femmes qui jouent pour le loisir. Une compétitrice se fiche bien d'avoir une raquette esthétiquement féminine, alors qu'une joueuse qui commence le tennis va souvent y être plus sensible. Mais, vous savez, il n'y a pas tant de produits destinés pleinement aux femmes que ça.
Lorsqu'une joueuse cherche une raquette technique, ça lui est égal qu'elle soit rose ou bleu : l'important, c'est qu'elle réponde à ses attentes et corresponde à son jeu. Si elle veut une Pure Drive, elle prendra la bleue. C'est compréhensible, d'ailleurs… Le tennis féminin ne se portant pas bien, l'offre s'adapte forcément à la demande.
→ Certains vont dire qu'il est plus important pour les femmes que pour les hommes d'avoir une belle tenue… D'autres expliquent que les femmes ont tendance à être beaucoup plus soucieuses de leur confort et de la technique de leur produit. Où est le cliché, où est la vérité ?
Très sincèrement, on voit de tout et ça dépend souvent du niveau de pratique. Mais de plus en plus de femmes développent une sensibilité très technique par rapport aux produits. Dans le running, on parle beaucoup de technique avec les chaussures, les tee-shirts anti-transpirants… C'est désormais le cas dans tennis et les joueuses, comme les joueurs, sont sensibles à cet aspect des choses. Du coup, les discussions sont parfois plus complexes avec des clients un peu trop sûrs d'eux (rires) !
Mais bon, ça tombe bien, chez les spécialistes, on a surtout des produits techniques !
« Les femmes sont de plus en plus sensibles à la technique. Ça tombe bien, chez les spécialistes, on a surtout des produits techniques ! »
→ Quel regard vous portez sur l'actualité du circuit féminin ? Le manque de variété dans le jeu des filles, l'égalité des prize-money…
Je trouve que ce sont des sujets vraiment délicats. Très honnêtement, je ne sais pas quoi en penser. Sur le circuit WTA, il y a Serena, et puis… Il y a peut-être un manque de charisme, mais ce n'est pas aussi simple. Moi, j'ai bien du mal à avoir un avis arrêté. On dit que les joueuses ont plus de mal à maîtriser leurs émotions que les garçons, mais je trouve pourtant que la gestion des émotions est aussi problématique d'un côté que de l'autre.
Le tennis masculin est très, très, très dur, d'autant plus dur qu'il y a énormément de joueurs et, donc, une grosse concurrence. Rien à voir avec les tableaux féminins dans les catégories inférieures. Regardez, au niveau amateur… Une fille classée 15/4 peut passer 15/1 en traversant des tableaux où il n'y a personne.
→ Et la question des prize-money ?
Même chose, sujet compliqué. C'est normal que nous, les femmes, nous nous battions pour avoir une égalité des salaires dans nos vies professionnelles. Mais, en matière de tennis, il y a d'autres éléments à prendre en considération. Sur un Grand Chelem, on ne peut pas nier que les filles jouent moins que les garçons. Et, pour autant, on sait qu'elles s'investissent de la même façon à l'entraînement. Bref, c'est une question qui appelle beaucoup de réponses différentes.